Härnösand, une ville suédoise en proie à une crise immobilière

Le leader suédois de l’immobilier public au bord de la chute

Dans la charmante ville de Härnösand, en Suède, impossible de les rater. Les trois lettres SBB, cerclées de blanc sur un fond rouge, s’affichent fièrement à l’entrée des bâtiments publics. Il s’agit du logo de Samhällsbyggnadsbolaget, le géant de l’immobilier public en Suède. Cependant, cette société, qui semblait invincible, est désormais au bord de la faillite.

L’inflation et les taux d’intérêt élevés ont fait basculer la situation de SBB en seulement deux ans. Surendettée, cette compagnie, qui possède plus de 700 bâtiments publics en Suède, est aujourd’hui à genoux. La situation est si préoccupante que même le maire social-démocrate, Anders Sjölander, est dans l’incertitude la plus totale. En novembre 2022, il a appris par les journaux que de nombreux bâtiments de sa commune appartenaient désormais à une compagnie appelée « EduCo », dont 51% est contrôlé par SBB et 49% par le gestionnaire d’actifs canadien Brookfield. Une tentative de rachat a été entamée puis avortée par les deux groupes en juin dernier. Depuis, personne ne sait vraiment ce qui se passe.

Anders Sjölander est débordé. Les demandes d’interviews affluent dans son bureau à l’hôtel de ville, un bâtiment majestueux aux façades rose fuchsia à colonnes blanches, construit en 1791. Sa commune de Härnösand est celle qui loue le plus de bâtiments à SBB en Suède. En 2007, elle a vendu ses biens immobiliers à SBB pour près de 900 millions de couronnes (environ 90 millions d’euros aujourd’hui). À l’époque, les finances de la commune étaient dans le rouge vif. Comme de nombreuses communes du nord de la Suède, Härnösand souffre de la fermeture des usines, de l’exode des jeunes et du vieillissement de sa population.

La majorité de centre-droit, au pouvoir à l’époque, était en manque d’idées pour combler les déficits financiers qui se creusaient. La pression était d’autant plus forte qu’il fallait trouver rapidement des fonds pour financer les retraites des employés municipaux. C’est alors qu’une idée a germé : pourquoi ne pas vendre une partie du parc immobilier de la commune pour obtenir de l’argent frais ? Le 18 septembre 2007, la vente a été conclue. Härnösand a cédé 43 locaux à la compagnie Kungsleden, en les louant en échange pour environ 100 millions de couronnes par an.

Cependant, cette stratégie n’a pas été la solution miracle espérée. Aujourd’hui, en proie à de graves difficultés financières, SBB menace de mettre à genoux les collectivités locales qui lui louent ses bâtiments. Cette situation inquiétante met en lumière les risques liés à la privatisation de l’immobilier public. Les communes suédoises sont aujourd’hui à la merci de sociétés immobilières privées comme SBB, dont les ambitions financières peuvent mettre en péril leur stabilité économique.

Il est grand temps que les autorités suédoises prennent des mesures pour protéger les collectivités locales de cette dépendance dangereuse vis-à-vis des sociétés immobilières privées. Sinon, le pays risque de voir son patrimoine public anéanti par des entreprises avides de profits à tout prix.

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